Retour sur l’Accord Politique Global (APG) suite

nego-politiqu-0002Nos positions sur l’APG, ne plaisent guère. Elles dérangent. Mais nous n’y pouvons rien. Dans un contexte de confusion de plus en plus généralisée, il faut que l’opinion soit informée sur ce qu’est réellement cet « Accord » et sur ce que la masse des opposants peut en attendre. C’est une exigence de la démocratie. On ne peut pas continuer de nous faire croire que la solution des problèmes politiques du Togo viendrait de ce document. Le transfert du problème des « réformes » au HCRRUN et l’approche que cette institution se donne du problème à travers son atelier du 11-15 juillet sont significatifs dans ce sens.

Face à cette situation dangereuse, le problème majeur pour l’opposition n’est ni dans le partage du pouvoir avec le régime, ni dans sa cogestion…. Le problème majeur réside dans le fait que l’absence continuelle de tout contre-pouvoir réel laisse la main libre au régime et à son parti de faire ce qu’ils veulent.

Il est donc indispensable de construire ce contre-pouvoir, que nous continuons d’appeler de tous nos vœux, à savoir une opposition extra-parlementaire forte et bien structurée, une opposition devant regrouper sans distinction partisane, et sur la base d’un programme minimum d’action commune, tous ceux qui refusent la situation politique consolidée par les législatives du 14 octobre 2007.

Rappeler cela continue d’être une nécessité. C’est pour cette raison que nous rediffusion dans cette série d’articles sous le titre général de Retour sur l’Accord Politique Global”, ce texte publié déjà le 28 Décembre 2007 : l’opposition extra-parlementaire comme contre-pouvoir indispensable à la poursuite de la lutte pour le changement politique”.

La Rédaction

IV- l’opposition extra-parlementaire comme contre-pouvoir

indispensable à la poursuite de la lutte pour le changement politique

Le gouvernement tant attendu est donc formé. Comme en mai 2005, et comme pour le Gouvernement dit d’union nationale, le régime n’a pas fait plus que d’octroyer quelques postes à des chefs de partis qui, hier, se disaient encore de l’Opposition.

Rien de surprenant. A partir du moment où le régime s’est donné, comme d’habitude, une majorité absolue au parlement, Faure est libre de constituer son gouvernement comme il l’entend. Rien ne l’oblige à prendre le Premier ministre ailleurs que dans son parti, ou à confier des ministères importants à des hommes ou des femmes hors des rangs du RPT. Penser le contraire, c’est faire preuve de naïveté politique, ou alors d’une méconnaissance de la situation politique du pays et du régime en place.

Comme cela s’est passé dans le Gouvernement dit d’union nationale, Faure et son parti ont accordé quelques postes ministériels à des hommes qui se disaient hier encore de l’Opposition. Ces ministres ne peuvent aller à l’encontre d’aucune des décisions du RPT. Quand on se dit de l’Opposition et qu’on accepte pourtant d’être ministre dans la situation politique présente, on ne peut s’opposer à rien. « On ferme sa gueule », comme dit l’autre. Et on se contente de gérer le quotidien en attendant de se faire remercier.

Le seul regret est que ces hommes et ces femmes accompagnent le système et permettent ainsi à Faure et son parti de clamer contre toute vraisemblance qu’ils font « l’ouverture ». Ces hommes et ces femmes ne pourront donc faire autre chose que d’appliquer le programme politique du régime ; en d’autres termes, de se mettre à collaborer avec le RPT. Ils ne peuvent pas jouer le rôle d’un contre-pouvoir.

D’une façon plus générale, aucun des ministres du gouvernement ne peut aller à l’encontre des volontés de Faure Gnassingbe. Le pays continue en effet de fonctionner sur la base de la constitution de 2002. Celle-ci, on le sait, avait été montée par les caciques du RPT pour maintenir Eyadema au pouvoir à vie, et faire évoluer le système de dictature militaire vers une monarchie héréditaire. Elle concentre tous les pouvoirs entre les mains de Faure Gnassingbe et fait de lui le seul maître à bord, comme son père le fut pendant 38 ans (1967-2005). Au sein du gouvernement, il n’y a pas de place pour un contre-pouvoir.

La situation n’est pas différente au niveau de l’Assemblée. Pour tromper l’opinion, les rédacteurs de l’APG ont estimé que c’est à cette Assemblée qu’il revient de faire les réformes nécessaires pour « consolider » la démocratie dans le pays. Une escroquerie intellectuelle. Les élections du 14 octobre montrent clairement que ce n’est pas au niveau de cette Assemblée-là que les décisions essentielles seront prises, mais que c’est au niveau du Gouvernement, comme au cours des mandats de 1994-1999, 1999-2003, 2003-2007. Cette Assemblée aussi ne sera qu’une simple chambre d’enregistrement. Elle ne peut pas jouer un rôle de contre-pouvoir.

Par ailleurs, pour plusieurs raisons, les députés du CAR et de l’UFC réunies ne peuvent même pas constituer une minorité de blocage au sein de l’Assemblée. Ils ne peuvent pas empêcher la majorité RPT de faire ce qu’elle veut. On l’a déjà vu lors de la formation du bureau de l’Assemblée. Le RPT ne fait pas de concession, lui. L’UFC et le CAR ne peuvent rien de plus que de « protester » de temps en temps, et de tourner à chaque fois le regard vers l’UE et la « Communauté internationale », comme ils l’ont fait pendant 17 ans dans le cadre de la politique d’opposition dominante. Pas plus à l’Assemblée que dans le pays, « l’Opposition parlementaire » ne peut donc pas jouer le rôle d’un contre-pouvoir.

Quant à la masse de la population, elle est totalement désemparée. Elle ne croit plus dans ces chefs de parti qui se sont si longtemps posés devant elle comme des messies et des guides. Désabusée, elle ne pense plus qu’en termes de débrouille et de survie. Par rapport à 1990-1991, tout se passe comme si la population n’a plus aucune capacité de réaction spontanée ou organisée. Elle redevient un milieu de plus en plus perméable aux manœuvres habituelles du RPT et du régime. Contrairement aux années 1989-1991, elle ne peut plus jouer le rôle d’un contre-pouvoir.

Le 12e dialogue, l’APG, le Gouvernement dit d’union nationale et les législatives du 14 octobre 2007 ont ainsi réussi à créer dans le pays une situation politique où le régime et son parti continuent de détenir tout le pouvoir, et ont les mains totalement libres pour faire ce qu’ils veulent, sans rencontrer de résistance. La formation du bureau de l’Assemblée et la composition du gouvernement illustrent bien cette situation.

La situation ressemble fort bien à celle dans laquelle le pays s’est retrouvé en 1967-1969. Au cours de cette période, l’absence de tout contre-pouvoir avait laissé les mains libres à Eyadema et son entourage. Ils en ont profité pour consolider les bases du régime de dictature, systématiser la personnalisation du pouvoir, amplifier le culte de la personnalité, ériger l’abus de pouvoir, les brimades de toutes sortes, la peur et de la violence d’Etat en méthodes de gouvernement. Ils en ont profité pour instituer des pratiques intolérables du genre « animation »…

L’absence de tout contre-pouvoir au régime en place laisse la voie libre à la réactivation de ces pratiques inadmissibles. Il pourrait en résulter à brève échéance un renforcement de l’oppression dictatoriale, un bâillonnement de l’Opposition démocratique, un nouvel embrigadement de la population

Face à cette situation dangereuse, le problème majeur pour l’Opposition n’est ni la composition du Gouvernement de Faure, ni la confiscation du Bureau de l’Assemblée par le RPT. Le problème majeur est cette absence de tout contre-pouvoir qui laisse la main libre au régime et à son parti de faire ce qu’ils veulent.

La seule solution à ce problème est une Opposition extra-parlementaire forte et bien structurée. Une Opposition extra-parlementaire devant regrouper sans distinction tous ceux qui refusent la situation politique consolidée par les législatives du 14 octobre 2007, et pensent que l’avenir du pays dépend de la poursuite du combat pour la démocratie. Un vaste mouvement capable de jouer le rôle d’un contre-pouvoir au régime restauré.

L’absence d’un tel contre-pouvoir contraindra inévitablement le Togo à recommencer le chemin qu’il a parcouru depuis 1967 jusqu’en 2005. Et cette fois-ci, ce chemin pourrait être bien plus long et bien plus périlleux que le précédent.

Fait à Lomé, le 28 Décembre 2007
Pour le Bureau Exécutif National
Le 1e Secrétaire de la CDPA-BT
Prof. E. GU-KONU

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