QUESTIONS-REPONSES SUR LE 27 AVRIL (I)

A l’occasion du 27 avril 2008, le Togolais.com avait fait une interview avec la CDPA-BT. En raison de la situation créée dans le pays par les élections du 22 février 2020 et compte tenu de l’état dans lequel se retrouve l’opposition au lendemain du scrutin, nous jugeons utile de publier à nouveau ces questions et les réponses pour l’information et la formation politiques des membres de la CDPA-BT.

I- Qu’évoque pour vous le 27 avril ?

Emmanuel GU-KONU : Une lutte résolue menée par les nationalistes indépendantistes togolais contre l’occupant colonial et ses appuis internes. L’occupant colonial, c’est la puissance coloniale française. Les appuis internes sont de deux ordres : des personnalités qui se sont mis du côté de l’occupant colonial et des organisations politiques créées de toutes pièces par le colonisateur comme l’UCPN (Union des Chefs & des Populations du Nord), ou soutenus par lui comme le Parti Togolais du Progrès (PTP).

On est bien obligé de citer quelques noms pour lever les confusions et démonter les machinations de tout ordre pour tordre le cou à l’histoire : Ayeva Derman, Mama Fousseni pour l’UCPN ; Grunitzky, Adjavon, Aquerebourou… pour le Parti Togolais du Progrès (PTP).

Disons le clairement : Ces hommes et ces organisations politiques instrumentalisées par la puissance coloniale se sont déclarés opposés à l’indépendance du Togo. Ils ont clairement traduit cette position dans les faits en usant de violence et d’exactions de toutes sortes sur les militants nationalistes toutes les fois qu’ils en ont trouvé l’occasion ; et ils l’ont fait soit directement, soit par l’intermédiaire des commandants de cercle et de leurs subordonnés.

Ils estimaient que le pays devait continuer d’être dans le giron de la France (dans l’Union Française, qui deviendra à partir de 1958 la Communauté franco-africaine et malgache !). En fait, ils voulaient que le Togo reste sous la domination coloniale française comme l’ont voulu des hommes tels que Houphouet, Sengor, Yameogo, Maga, respectivement pour la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Haute Volta (Burkina Fasso), le Dahomey (Bénin)…

Il ne faut pas oublier que sous la pression de la guerre d’Algérie et d’autres foyers qui commençaient à embraser d’autres colonies françaises d’Afrique subsaharienne comme le Cameroun avec l’Union des Populations Cameroun (UPC) ou le Niger (la Sawaba), de Gaulle s’est trouvé dans l’obligation de forcer quasiment ces hommes à prendre l’indépendance dans la précipitation en 1960. Il valait mieux éviter que le feu, que le parti colonial français s’efforçait vainement d’étouffer en Algérie, ne se propage pas dans le reste des colonies françaises d’Afrique.
En étant pour le maintien du Togo dans l’Union française comme le veut la France, ces hommes et leurs organisations sont forcément opposés aux nationalistes-indépendantistes qui se battaient, eux, pour sortir le pays du joug colonial français. Ces nationalistes, c’est en réalité l’immense majorité de la population d’où se sont dégagés les hommes et les femmes qui ont conduit la lutte anticoloniale dans le cadre de deux partis politiques, le Comité de Unité Togolaise (CUT) et la JUVENTO.

Il convient de mentionner quelques noms dans ce cas aussi, toujours dans le souci de lever les confusions dont on enveloppe tout le pays pour manipuler les consciences et les détourner de la lutte en cours pour la démocratie : Pa de SOUZA, Sylvanus Olympio, le populaire Piampiam et bien d’autres encore à Lomé ; Sam Klu, Marc Atidefe, Gerson Konu et bien d’autres encore à Kpalime ; Félix Color et d’autres à Atakpame ; Odanou Dobli, Martin Sankaredja, Laurent Djagba à Dapango (Dapaong)…

Quelques vérités simples s’imposent après cette présentation succincte, même à ceux qui sont chargés de noircir l’histoire de la lutte anticoloniale au Togo.

1- Pour combattre les nationalistes-indépendantistes afin de maintenir le Togo sous la domination coloniale de la France, l’autorité coloniale française a réussi à diviser la population togolaise en deux : d’un côté ceux qui revendiquaient l’indépendance et se battaient pour mobiliser la masse de la population (les nationalistes indépendantistes) et de l’autre, ces hommes et organisations politiques fabriqués par la France coloniale pour montrer aux Nations Unies et ailleurs que les Togolais ne veulent pas de l’indépendance et préfèrent « rester français ».

La manœuvre est classique dans l’histoire de la colonisation française. C’est donc un mensonge éhonté (ou alors une preuve d’ignorance) que d’affirmer aujourd’hui qu’aucun togolais « n’était contre l’indépendance de son pays », et que 27 avril 1958 serait le couronnement d’une lutte anticoloniale que tous les togolais se seraient mis ensemble pour mener de concert dans un admirable consensus ! Le 27 avril 1958 est la victoire de ceux qui ont mené la lutte anticoloniale avec tant d’acharnement et d’abnégation sur la France coloniale, le Parti Togolais du Progrès et l’Union des Chefs et Populations du Nord. Affirmer le contraire est un honteux mensonge. Et c’est très vilain d’agir ainsi.

C’est parce que le 27 avril 1958 est une victoire des nationalistes sur les pro-français que le coup d’Etat du 13 janvier est justement une revanche du parti colonial français pour ramener le pays dans le giron de la France.

2- Le PTP et l’UCPN n’avaient pas que le CUT en face d’eux. C’est une alliance CUT-JUVENTO que ces deux partis pro-coloniaux ont combattu aux côtés de la France coloniale. Sans cette alliance historique, les nationalistes-indépendantistes n’auraient pas remporté la victoire du 27 avril 1958. C’est une leçon importante qu’il importe de tirer des élections du 27 avril 1958. Elle est précieuse pour redéfinir les modalités du combat en cours pour la démocratie. Car, l’Alliance CUT JUVENTO n’a été possible que parce que tous les nationalistes-indépendantistes se sont mis d’accord sur un objectif commun, véritablement rassembleur de tous ceux qui ne veulent plus de la domination coloniale française. Cet objectif, c’est la fin du régime colonial par l’accession du pays à la souveraineté nationale.

Ce qui avait opposé les nationalistes-indépendantistes au PTP/UCPN n’est nullement une simple question du choix de la date de l’indépendance mais bien la question de savoir si le Togo devait obtenir sa souveraineté nationale (l’Indépendance) ou rester sous la domination de la France. Entre les deux courants, c’est donc une opposition fondamentale, irréductible.

C’est pour cette raison que le combat en cours pour la démocratie est de même nature que la lutte anticoloniale. Entre ceux qui veulent maintenir la dictature militaire d’Eyadema pour pouvoir continuer de se maintenir au pouvoir et ceux qui se battent pour l’instauration de la démocratie, la contradiction est irréductible. Des hommes hier de l’opposition, qui se mettent au service du vieux régime de dictature, créé dans l’esprit de la population une confusion préjudiciable à l’avenir du pays.

Faire passer aujourd’hui les membres du Parti Togolais du Progrès (PTP) pour des « progressistes » relève d’une escroquerie intellectuelle indigne d’un professeur d’Université togolais. C’est une manière indirecte de charger injustement ceux qui se sont battus pour l’indépendance du pays et de salir leur mémoire, tout comme les auteurs du coup d’Etat du 13 janvier 1963 n’ont pas cessé de le faire jusqu’aujourd’hui. Il est scandaleux de prendre pour des progressistes des hommes et des organisations politiques qui ont cherché à maintenir leur pays sous domination étrangère, à plus forte raison sous le joug colonial.

Lomé le 10 Août 2021

Pour la CDPA-BT

Le Premier Secrétaire

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