Togo

 

 

 

 

Devoir de vérité envers la masse des opposants

 

Par des appels lancés de la diaspora togolaise en direction du Togo depuis le 15 juillet 2020, la Dynamique Mgr Kpodzro (DMK) a invité à chaque fois la population à sortir massivement pour réclamer la victoire de M. Agbéyomé Kodjo, candidat aux dernières élections présidentielles du 22 février 2020. Ces appels ont été largement relayés sur les réseaux sociaux par Tempo Afric TV, un média panafricain domicilié aux Etats-Unis. Ce média a lancé une campagne de mobilisation pour l’organisation d’une manifestation le 1er août 2020, une grande manifestation qui devait, à cette date, « libérer le Togo de la dictature des Gnassingbe ».

Mgr Kpodrzo et M. Agbeyomé Kodjo étaient persuadés, eux aussi, que ce 1er août, il se produirait dans le pays un miracle grâce à la volonté de Dieu, et qu’à cette date le Togo serait effectivement libéré du régime despotique de Faure Gnassingbe. La grande campagne de mobilisation lancée à cet effet par Tempo Afric TV est émaillée de promesses démagogiques accompagnées d’actes de manipulations de toutes sortes.

Ainsi, dans son discours du 30 juillet 2020, Agbeyomé s’adressait aux militaires en ces termes : “Militaires togolais avec le mouvement du 1er août, vous et vos familles aurez droit aux soins gratuits dans un Hôpital militaire tout nouveau comme au Ghana” ; ou encore “Militaires togolais avec le mouvement du 1er août 2020, vos salaires seront doublés” ; ou encore “Soldats togolais, avec le mouvement du 1er août vous aurez droit aux nouveaux logements gratuits comme au Ghana“.

Observons d’ailleurs qu’il s’agit là, en plus, d’un appel à l’immixtion de l’armée dans le processus politique postélectoral. En tenant compte de l’histoire récente de notre pays depuis 1990 (prise en otage du Haut Conseil de la République, organe issu de la Conférence Nationale ; violences contre la population civile…), cet appel à l’immixtion de l’armée dans le processus politique postélectoral est dangereux et donc inacceptable. C’est assurément une erreur stratégique de taille commise par la Dynamique et ses inconditionnels vivant en Suisse, aux USA, en France, en Belgique et ailleurs.

Quelques jours après ces appels pressants, c’est une grande déception parmi les inconditionnels de la Dynamique. Les appels de Mgr Kpodzro et d’Agbeyome Kodjo n’ont pas été entendus. Les militaires qui sont sortis le 1er août ne l’ont pas fait pour arracher le pouvoir à Faure, mais pour terroriser la population comme d’habitude, afin de dissuader toute manifestation. La population, elle, n’est pas sortie ; pas plus à Lomé que dans les autres villes du pays. Les responsables de la Dynamique non plus. Le 1er août fut donc un échec de plus de la Dynamique.

Les raisons de cet échec sont multiples. On se contentera de relever les plus décisives. D’abord, la campagne pour la manifestation du 1er août est lancée de l’extérieur, notamment dans certains milieux de la diaspora togolaise. Sans doute est-elle fortement portée par Tempo Afric TV, selon les propos des responsables mêmes de ce media opérant de l’extérieur pour le compte de la Dynamique. Les responsables de la Dynamique ont soutenu l’initiative. Malheureusement, les initiateurs des appels ainsi lancés en direction de la population togolaise semblaient n’avoir pas pris en compte toutes les données de la situation politique réelle du pays au lendemain de ces élections présidentielles du 22 février 2020.

Par ailleurs, la population, que la Dynamique a ainsi appelée dans ces conditions à sortir massivement le 1er août pour manifester dans les rues afin de « chasser Faure du pouvoir » les mains nues, n’a pas oublié les répressions violentes, parfois sanglantes dont elle a été si souvent inutilement victime au cours de toutes les élections présidentielles qui se sont succédé depuis 1993 (y compris celle du 22 février 2020). On se souvient notamment des massacres commis par le régime à Fréau Jardin cette année-là où un certain Agbeyome Kodjo était alors ministre de l’intérieur dans le régime d’Eyadema. On se souvient également des tueries sciemment organisées lors des élections d’avril 2005 pour imposer Faure Gnassingbe à la tête de l’Etat togolais en succession de son père.

Pour terminer, il faut revenir sur la manifestation du 28 février 2020. Comme dans tous les autres cas d’appels à manifester, Mgr Kpodzro a quasi instinctivement lancé son appel du 28 février dans une improvisation totale, sans tenir compte en plus de l’état du rapport des forces, sans une organisation préalable de la population pour la mettre en mesure d’opposer une résistance minimale à la violence d’Etat, et enfin sans que des mesures aient été prises pour garantir aux manifestants un minimum de sécurité. Des jeunes ont cru à l’appel de Mgr Kpodzro ; ils se sont jetés dans la rue ce 28 février dans ces conditions d’improvisation et d’inorganisation totale. La répression a été évidemment brutale, comme on devrait s’y attendre ; les manifestants se sont retrouvés livrés à eux-mêmes, face à la violence d’Etat habituelle, sans protection ni secours.

L’appel lancé pour la manifestation du 1er août l’a été dans les mêmes conditions d’improvisation, d’impréparation et d’inorganisation. Il est évident que dans un régime de dictature du type togolais, ce n’est pas en l’espace de quinze jours qu’on organise une manifestation par des appels lancés de l’extérieur pour demander à la population de descendre dans la rue et pour « chasser » de la tête de l’Etat le détenteur du pouvoir despotique. La population ayant tiré les leçons du passé n’a donc pas pris le risque de sortir le 1er août, pour jouer une fois de plus au cobaye dans les mêmes conditions.

Dans tous les cas, l’échec de la manifestation du 1er août 2020 n’est plus à démontrer. La Dynamique et ses inconditionnels doivent courageusement assumer cette situation, et en tirer toutes les conséquences qui s’imposent. Quand on n’est pas organisé pour défendre “sa victoire“, on ne participe pas à une élection pipée d’avance, à une mascarade électorale dont l’objectif évident est de maintenir au pouvoir le régime impopulaire. Au lieu de toujours chercher des boucs émissaires, et de s’en prendre inutilement à une ethnie donnée (les Kabyès), les inconditionnels de la Dynamique et leurs responsables se doivent de tenir un langage de vérité à leurs militants. Il est impératif de recentrer la lutte pour la démocratisation. Elle ne doit pas être dirigée contre une ethnie. Elle doit être dirigée contre le régime de dictature. Car, c’est lui qui est responsable de l’évolution politique chaotique en cours dans le pays, surtout depuis les élections inacceptables de février 2020. C’est lui qui fait à chaque fois obstacle au processus de démocratisation par des élections pipées d’avance.

La CDPA-BT a encore en mémoire les massacres du 25 janvier 1993 à Fréau Jardin et toutes les répressions postélectorales dont la masse des opposants a toujours été victime, et dont les auteurs restent toujours impunis jusqu’à ce jour. Elle apprécie en conséquence la lucidité de la population, quand elle n’a pas cédé aux manipulations, et qu’elle a refusé de répondre aux appels l’invitant sur les réseaux sociaux à aller braver inutilement les forces dites de l’ordre, les mains nues, en commettant des actes de vandalisme.

Notre Parti considère que ces appels décrédibilisent l’opposition. Il estime qu’il ne sert à rien de participer à des élections que l’on sait pipées d’avance, puis de se mettre ensuite à demander à la population de sortir manifester pour réclamer « la victoire du peuple ». C’est ce que les partis du courant majoritaire de l’opposition ont fait depuis 1993, sans jamais réussir à prendre le pouvoir pour réaliser le changement démocratique, et instituer une politique alternative capable de transformer les conditions d’existence de la population.

Une fois de plus, la CDPA-BT invite l’opposition à une réflexion à la fois profonde et collective, en vue d’une réorganisation de la mouvance pour la mettre en mesure de donner plus d’efficacité à la lutte pour le changement démocratique.

Paris, le 9 août 2020

Pour la CDPA-BT, Section de Paris

E.Boccovi

 

 

 

 

 

 

 

 

CDPA-BT : Mgr Brian Ngozi Udaigwe, un bouc émissaire?

Dans la recherche des solutions aux problèmes politiques togolais, les chemins empruntés par des partis politiques de l’opposition ne sont jamais identiques. Chacun cherche ainsi à donner un sens à sa stratégie. Quoi de plus normal ? Mais ce qui est insupportable, et qui ne fait avancer en rien la lutte pour la démocratie, c’est quand cette stratégie se fonde sur un répertoire de manipulations et de mensonges utilisé comme supports à la mobilisation pour la conquête du pouvoir politique.

Combien de fois n’avons-nous pas entendu dans cette compétition électoraliste des partis d’opposition dire, chacun, être le mieux placé pour la conquête du pouvoir ? Combien de fois n’avons-nous pas vu des partis politiques vendre des illusions, juste pour faire élire leurs candidats ? Et souvent, en cas d’échec, au lieu d’en tirer les conséquences qui s’imposent, ils cherchent des boucs émissaires. Les rumeurs sur le « limogeage » du Nonce apostolique Mgr Brian Ngozi Udaigwe sont une parfaite illustration de cette situation.

Après la nomination de Mgr Brian Ngozi Udaigwe, Nonce apostolique au Sri Lanka le 13 juin 2020, des rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux faisant état de son «limogeage» par le Vatican. Ces rumeurs (non fondées selon la Conférence des Évêques du Togo) ont cherché à propager que le nonce apostolique chargé du Togo et du Bénin n’aurait pas su gérer la crise politique togolaise et que sa nomination au Sri Lanka serait “une sanction”, et donc “un limogeage” et même une “déportation“.

Au point que la Conférence des Évêques du Togo a dû publier le 16 juin une mise au point pour déplorer que des «commentaires malveillants et de sources mal informées circulent sur les réseaux sociaux» sur la personne du Nonce et de sa mission au Togo. « Ces genres de rumeurs infondées, disent les évêques, font gravement entorse à la vérité et nuisent aux personnes, à la société et à notre pays». Ils précisent, que «Mgr Brian Udaigwe n’a pas été limogé, c’est-à-dire, n’a pas été renvoyé du service diplomatique, mais simplement nommé à une autre nonciature, la moyenne du mandat d’un nonce étant généralement de six ans».

Malgré ce démenti de la Conférence des Évêques, un média comme Tempo Afric TV, et les inconditionnels soutiens de la Dynamique Kpodzro sont revenus à charge pour qualifier de mensonge cette mise au point. Ils y voient des manœuvres tendant à faire taire Mgr KPODZRO, en fondant leurs argumentations sur les allégations du Prélat togolais. Ils laissent entendre que «lors de la visite d’une délégation des évêques conduite par Mgr Barrigah, ce dernier aurait, sur recommandation du Nonce apostolique, demandé à Mgr Kpodzro de cesser de faire la politique». Ces argumentations et ces insinuations sont peu convaincantes.

Dans tous les cas, limogé ou pas, le maintien ou l’affectation de Mgr Brian UDAIGWE ne change rien à la politique du pays et, encore moins, à celle du Vatican en tant qu’État souverain. Et les élections présidentielles au Togo ne peuvent non plus modifier en rien l’agenda du Vatican. Il est donc inutile de chercher en la personne du Nonce apostolique un bouc émissaire à l’échec de la Dynamique.

Mgr Brian UDAIGWE affecté au Togo, Bénin et au Nigéria n’avait pas pour mission de gérer des crises politiques au point que le Pape lui reprocherait “sa mauvaise gestion” de la situation pré et post électorale du 22 février 2020 au Togo, comme tente de le faire croire Tempo Afric TV, un média de la diaspora. C’est aux Togolais seuls de régler leur problème politique ; ce n’est pas de la compétence du Vatican, encore moins, de celle d’un Nonce apostolique, ni d’un diplomate des USA à la retraite. On ne peut pas demander à la communauté internationale de régler le problème togolais à la place des Togolais eux-mêmes.

Dans tous les cas, nous ne pouvons pas compter sur ladite communauté internationale, encore moins sur la Conférence des Évêques ou sur un quelconque évêque, quel que soit son charisme, pour obtenir une alternance en 2020 dans le pays. La question du changement démocratique n’est pas un problème de personne, encore moins celui d’une famille. C’est une question de rapport de forces. Et il faut construire ce rapport de forces.

C’est pour ces raisons que la CDPA-BT a toujours dit que tant que des partis politiques refuseront de travailler ensemble pour renverser le rapport de forces en faveur de l’opposition, les Togolais ne parviendront pas à réaliser le changement démocratique. On ne change pas la nature d’un régime de dictature par des insinuations et par un tissu de mensonges, ou en cherchant des boucs émissaires.

La CDPA-BT estime que la manière dont la Dynamique Kpodzro a participé à ces élections du 22 février 2020 a fait plus de tort que de bien à la lutte en cours pour la démocratie. Elle a divisé et affaibli l’opposition; elle a divisé la société entière; elle a divisé l’Église catholique et d’autres organisations religieuses.

La CDPA-BT continue de penser que la participation du candidat de la Dynamique et des autres candidats à cette bataille électorale pour le pouvoir tout de suite, a fait plus de tort à l’ensemble de l’opposition.

Fait, en Allemagne le 10 juillet 2020

Awute Komla

Un militant de la CDPA-BT