La question du boycott des élections

Le régime veut organiser des élections régionales et des élections législatives au cours de cette année 2023 sans revenir sur les conditions discutables dans lesquelles le scrutin du 22 février 2020 avait lieu. Des partis politiques et des coalitions de partis se mettent encore en ordre de bataille en prévision desdites élections.

Ces derniers temps, le 14 janvier 2023, la DMK a ainsi tenu un meeting politique. L’ANC, de son côté, a organisé un meeting dit de « grande rencontre de mobilisation et de sensibilisation » ce dimanche 12 février 2023. De toute évidence, on se prépare donc à participer encore aux élections  dans ce pays dans les mêmes conditions que celles des présidentielles du 22 février 2020 et, finalement, dans les mêmes conditions où tous les scrutins qui ont précédé les présidentielles de 2020 se sont déroulés depuis août 1993.

Ces élections annoncées pour 2023 -les régionales et les législatives- relancent naturellement le débat sur la question du boycott des élections pipées d’avance dans le pays. Les présidentielles de 2020 avaient étouffé le débat sur le sujet, comme si la question des élections pipées d’avance ne posait aucun problème dans la lutte d’opposition contre le régime de dictature en place depuis des années.

Voilà donc le débat de retour par la force des choses. En fait, il est incontournable. Il a toujours opposé les deux courants de l’opposition togolaise, le courant majoritaire et le courant minoritaire ; et cela, depuis l’annonce des présidentielles d’août 1993.

                                                                                                                                                                         On sait que des chancelleries étrangères -l’ambassade de France notamment-, avaient lourdement pesé sur le déroulement de la Conférence nationale (juillet 1991), et qu’elles avaient joué un rôle prépondérant dans l’orientation de l’insurrection populaire d’octobre 1990 dans la voie électoraliste à l’issue des assises. C’est dans ce climat pernicieux (décembre 1992) que ces forces étrangères obscures avaient insidieusement propagé au sein de l’opposition togolaise « qu’on ne boycotte pas les élections ».

Le courant majoritaire de l’opposition avait commencé à répéter pendant les campagnes électorales d’août 1993 « qu’on ne boycotte pas les élections », comme si le régime politique togolais était de la même nature que le régime politique français. Des partis du courant majoritaire de l’opposition avaient ainsi participé aux élections depuis 1993, quelles que soient les conditions d’organisation et de déroulement des scrutins. En outre, ils avaient toujours estimé qu’il faut éviter de boycotter les élections pipées d’avance afin de pouvoir bénéficier des subventions que l’Etat donne aux candidats pour l’organisation de leur campagne électorale.

Le « on ne boycotte pas les élections ! » est devenu ainsi le discours dominant des campagnes électorales dans le pays. Au point qu’à force de l’entendre, une partie de la population a fini par le prendre pour une vérité de la Bible, sans se demander quelles en sont les conséquences pour la lutte d’opposition au régime de dictature qu’elle rejette pourtant, et à juste titre.

Le courant minoritaire, quant à lui, avait toujours estimé, depuis 1993, que l’opposition ne devrait pas participer aux élections pipées d’avance, c’est-à-dire à ces élections organisées par le régime pour se maintenir au pouvoir par tous les moyens possibles. En outre, pour notre parti, la participation de l’opposition aux scrutins ne fait pas seulement passer le régime pour un régime démocratique. Elle conduit l’opposition à légitimer en réalité le régime qu’elle est sensée combattre, et de ce fait, accompagne le régime despotique dans sa détermination à se perpétuer au pouvoir contre la volonté populaire.

C’est ce qui s’est passé depuis août 1993, jusqu’en février 2020. Au cours de ces 27 années passées, à l’issue de chacun de ces scrutins pipés d’avance, l’opposition a toujours contesté les résultats proclamés, sans jamais réussir à prendre le pouvoir dans le cas des élections présidentielles ; et dans le cas des législatives, les députés concédés par le pouvoir en place à l’opposition ne sont jamais parvenus à réaliser le changement démocratique auquel aspire la population.

Des partis d’opposition recommencent aujourd’hui à dire à la population que la participation de l’opposition aux régionales et aux législatives en vue pour bientôt, permettra aux candidats de l’opposition de réaliser l’alternance politique. C’est bien ce qu’on nous avait pourtant dit au cours de la campagne électorale de 2020. Mais l’opposition n’a pas réussi à prendre le pouvoir à l’issue de ces présidentielles comme tout le monde le sait aujourd’hui. A partir du moment où les conditions des élections n’ont pas changé depuis 2020, la CDPA-BT se demande à quoi peut-on s’attendre, si les régionales et les législatives en vue se déroulaient aussi dans les mêmes conditions que celles des présidentielles de 2020.

La CDPA-BT estime toujours qu’à partir du moment où l’on participe aux élections dans des conditions imposées par le régime dans le but de continuer à se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire, on retarde la lutte d’opposition, et donc la réalisation du changement démocratique.

La CDPA-BT n’est évidemment pas contre le principe des élections dans le fonctionnement de la société. Au contraire, elle y adhère sans réserve ; à la seule condition toutefois que les élections soient des élections libres et transparentes, et non des élections pipées d’avance par le pouvoir despotique. Si les prochaines élections ne sont ni libres, ni transparentes, la CDPA-BT demandera à ses membres et ses sympathisants de les boycotter, en expliquant chacun autour de lui pourquoi il faut boycotter des élections pipées d’avance.

C’est ce type de boycott d’élections pipées d’avance que la CDPA-BT désigne sous le nom de boycott actif. Le boycott actif d’élections pipées d’avance est une action légitime dans une lutte contre un régime autocratique. C’est aussi un moyen d’expression dans la lutte pour la démocratie.

Rien ne peut justifier qu’une opposition à un régime politique despotique participe à une élection organisée par ce régime pour s’éterniser au pouvoir contre la volonté populaire.

                                                                                                                               Paris, le 19 février 2023

 

Pour la Section CDPA-BT France

  1. E.Boccovi

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