Retour sur l’Accord Politique Global (APG) suite

NEGO politiqu-0002Comme on le verra dans la suite, le problème n’est pas dans le refus ou le défaut d’application de l’APG, mais dans l’esprit et la lettre de cet accord qui pose un grave problème de légitimité : légitimité des partis d’opposition ayant pris part au 12e dialogue , et légitimité des décisions de ce dialogue. Comment les partis politiques sont-ils choisis au sein de l’opposition pour aller négocier en son nom à ce dialogue ? De quel mandat ont-ils été investis pour parler au nom de la masse des opposants au régime ? Autant de questions qui sont restées sans réponse. Pour plus d’éclaircissement, on peut relire l’article ci-après intitulé « pour une relecture de l’APG : « Une questionde légitimité » Cet article avait été publié le 25 juin 2007.

 

 

II – Une question de légitimité

De l’Accord politique de base à l’Accord politique global (APG)

Un petit rappel s’impose au début de cette série de réflexions sur l’Accord Politique Global qui oriente l’action du Gouvernement d’union nationale depuis la fin du 12e dialogue. Le projet de cet accord est rédigé par le bureau du 12e dialogue constitué en réalité par le RPT et le CAR : Il est publié pour la première fois le 1er juin 2006. Sous la pression des critiques venant de toute part, les rédacteurs ont procédé à la « révision » du document. Mais dans le fond, il n’y eut pas de révision. Il n’y eut que quelques reformulations destinées à re-habiller le document pour donner l’impression que le régime et son parti font preuve de bonne volonté et sont prêts au dialogue et au changement.

C’est ce projet « révisé » qui est devenu l’Accord politique de base. Il sera, à ce titre, paraphé par le RPT, le CAR, la CPP, le PDR, les deux organisations féminines associées au dialogue et le représentant du gouvernement, au total 7 organisations sur les 9 qui se sont impliquées dans le dialogue. Il importe de souligner que parmi les 9 organisations, le CAR, la CDPA et l’UFC seuls sont sensés représenter l’opposition. Naturellement, le CAR s’est joint aux 6 autres organisations pour parapher l’Accord politique de base. C’est de cette manière que le document « est passé ». Ceux qui l’ont paraphé forment ainsi un groupe dominé par le RPT. C’est ce document qui deviendra l’Accord Politique Global (l’APG) sous la médiation et avec la bénédiction de Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso.

Pour comprendre l’importance de l’enjeu que représente l’APG dans le contexte politique où s’inscrit le 12e dialogue, il faut savoir que le consensus n’a pas été facile sur la personne de Blaise COMPAORE comme médiateur. Le RPT a porté d’emblée son adhésion à ce nom contre d’autres comme Lakdhar Brahimi, Marti Atissani ou même Abdou Diouf. Le CAR et la CDPA ont fait de même. La préférence de l’UFC allait à Lakdhar Brahimi dont la France ne voulait pas entendre parler. L’UFC finira par se soumettre, certainement pour ne pas “se laisser marginaliser”. Une fois encore, le rapport des forces, renforcé par les positions du CAR et de la CDPA au profit du RPT, et la recherche du compromis à tout prix ont encore joué contre l’opposition démocratique.

Un grave problème de légitimité

Dès son introduction, l’APG pose, du point de vue de l’opposition, un grave problème de légitimité. Quelle est en effet la légitimité des partis d’opposition ayant pris part au 12e dialogue ? Comment sont-ils choisis au sein de l’opposition pour aller négocier en son nom à ce dialogue ? De quel mandat ont-ils été investis pour parler au nom de la masse des opposants au régime ?

Une fois pour de bon, le fait que ces partis soient les signataires de l’Accord Cadre de Lomé (ACL 1999) ne leur confère aucun droit, ni aucune autorité politique ou morale pour faire automatiquement d’eux les représentants exclusifs de l’opposition au 11e dialogue, pas plus qu’à ce 12e dialogue. Car, pour le dialogue de 1999-2002 aussi, ils n’ont reçu aucun mandat de l’opposition en tant que tout. Ils se sont retrouvés à la table de négociation en jouant des coudes.

En plus, vu coté opposition, ce dialogue intertogolais fut un échec sur toute la ligne. Si non, Eyadema et les chefs du RPT n’auraient pas mis fin unilatéralement au CPS (Comité paritaire de suivi), renvoyé les membres de la CENI (2001), constitué leur propre commission électorale, modifié la constitution de 1992 et précipité les législatives de 2002. Et puis, dans tous les cas, depuis 2002, la situation politique a évolué dans le pire, Kodzo et Ayeva s’étant joints au RPT (avril 2004) tout en se prétendant encore de l’opposition. Et des partis comme le CAR n’attendaient que l’occasion propice pour faire de même.

Peut-être dira-t-on que ces partis ont reçu de leurs militants ou de leurs appareils dirigeants un mandat en bonne et due forme. Soit. Mais à quel moment ? Et selon quelles modalités ? Pour quelles finalités ? Par ailleurs, dans ce contexte du multipartisme où les partis d’opposition rivalisent entre eux pour le pouvoir, suffit-il qu’un de ses partis envoie des représentants dans une négociation pour être d’office habilité à parler au nom de l’ensemble de l’opposition, sans avoir reçu de celle-ci un mandat précis et selon des modalités précises et transparentes ?

Si, dans ce contexte deux ou trois partis d’opposition rivaux mandatés (ou non) par leurs militants respectifs se retrouvent autour d’une table de négociation, chacun avec sa vision propre et ses petits calculs politiciens, sont-ils habilités pour autant à parler chacun au nom de l’opposition toute entière ? Sur quoi d’essentiel peuvent-ils se mettre d’accord dans l’intérêt de l’ensemble de l’opposition puisqu’ils rivalisent entre eux pour des intérêts partisans forcément contradictoires, et puisqu’ils n’ont pas reçu de l’opposition un mandat à défendre ensemble ?

Question de mandat et de légitimité des décisions du 12e dialogue

Il se trouve, on le sait, que les partis d’opposition au devant de la scène politique rivalisent entre eux pour le pouvoir ou une parcelle du pouvoir (ministre, député, directeur de service dans le système…), et qu’ils jouent des coudes en permanence pour être chacun le premier. Et l’on sait qu’ils ont toujours tout fait les uns contre les autres pour atteindre chacun son objectif personnel ou partisan.

Chacun, on le sait également, a sa propre vision de la lutte engagée contre le régime (nombre d’entre eux ont si souvent repris le discours des hommes du régime, discours qui considère qu’une manifestation des opposants dans la rue est un désordre indigne d’eux ; d’autres étaient opposés à la grève générale illimitée qu’ils ont tout fait pour saboter en établissant des “passerelles” occultes avec les apparatchiks du régime), sa propre stratégie d’accès au pouvoir et, pour cela, tire en permanence la couverture à soi aux dépens des autres concurrents. Il y a là un constat que personne ne peut plus nier.

Si donc, comme dans le 12e dialogue, ils se trouvent autour de la table de négociation sans un mandat de l’opposition en tant qu’un tout, il est évident qu’ils ne peuvent pas défendre une cause commune face à l’adversaire politique qu’est le régime de dictature. Ou qu’ils ne peuvent plus continuer de le faire dès que les intérêts divergents deviennent franchement contradictoires et inconciliables. Chacun défendra alors son intérêt personnel ou partisan contre les autres, quitte même à composer et à se compromettre avec “ceux d’en face”, afin de prendre le dessus comme on l’a vu avec l’UTD en 1994, avec la CPP et le PDR lors de la signature des “22 engagements” à Bruxelles en avril 2004, avec le PSR « dans la coalition des 6 » et comme on le verra avec le CAR tout au long du 12e dialogue et après…

Voilà pourquoi il importe de poser le problème du mandat, et par conséquent de la légitimité de la représentation de ceux qui sont allés parler au nom et à la place de l’opposition dans le 12e dialogue comme dans les autres, et au cours des négociations qui ont abouti à l’adoption de l’APG et à la formation de l’actuel gouvernement. C’est une simple question de discipline et de rigueur politiques. Depuis le 5 octobre 1990, on a toujours agi dans un désordre affligeant, chacun faisant ce qu’il veut, sans référence à une ligne directrice et sans une stratégie commune d’orientation et sans un cadre commun d’action, un front de lutte.

Si les partis d’opposition prenant part au 12e dialogue n’ont pas une légitimité conférée et reconnue par l’opposition, et s’ils n’ont pas reçu un mandat explicite pour la représenter, quelle est donc la légitimité des décisions prises par ce 12e dialogue ? Quelle est, par rapport au peuple togolais, la légitimité du gouvernement dit d’union nationale et de tout ce processus politique enclenché par sa formation ? D’où et au nom de qui parlent les “partis d’opposition” figurant dans ce gouvernement ? A qui rendent-ils compte de leurs actes et comment ? Que peuvent-ils faire dans ce gouvernement s’ils n’ont pas derrière eux une force organisée pour les soutenir ?

Le problème politique togolais n’est pas celui d’un partage du pouvoir

Il faut poser ces questions même si elles peuvent ne pas plaire. Et il faut les poser parce que le combat du peuple pour la démocratie est loin d’être terminé, quoi qu’on dise. Car, les prochaines législatives ne modifieront pas sensiblement le tableau politique actuel, ne modifieront pas le rapport des forces tel qu’il est devenu depuis la fin de la conférence nationale et ne résoudront donc pas le problème politique togolais dans le sens des intérêts de la grande masse de la population qui subit l’oppression dictatoriale.

Le problème politique togolais n’est pas celui d’un partage du pouvoir entre le régime Eyadema et quelques chefs de partis d’opposition. Il s’agit de substituer au régime politique en vigueur un système politique démocratique. La lutte en cours devra se poursuivre après le scrutin du 24 juin, quelle que soit la couleur de l’Assemblée qui sortira des urnes.

C’est le caractère dictatorial du régime et ses conséquences en termes d’oppression, d’irrespect des droits humains, de pillage et de dilapidation des ressources du pays, de misère croissante… qui ont poussé la population dans la rue en 1990. La revendication fondamentale posée alors est l’instauration d’un système politique démocratique à la place du système de dictature. Dans cette logique, les partis d’opposition, qui constituent forcement les noyaux de l’opposition, se doivent d’être des partis démocratiques, respectueux des principes du fonctionnement démocratique de la société.

La représentation politique et la légitimité des actions sont deux de ces principes. C’est pendant que les partis et les leaders politiques, qui prétendent se battre pour la démocratie, sont dans l’opposition à un régime antidémocratique,qu’ils doivent montrer leurs aptitudes et leur capacité à respecter ces principes essentiels du fonctionnement démocratique de la société. Pas après, quand ils prendront le pouvoir un jour, s’ils y parviennent.

 

Lomé, le 25 Juin 2007
Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
E. GU-KONU

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