Le Sommet sur la sécurité maritime organisé à Lomé du 10 au 15 octobre 2016, en partenariat avec l’Union africaine, viserait à « créer un cadre de coopération qui permette de lutter efficacement contre la piraterie, mais aussi contre les trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains ». La question de développement serait aussi à l’ordre du jour.
Le débat en cours sur ce Sommet n’est pas inutile. Il oriente une grande partie de notre réflexion vers une question : En quoi les retombées dudit sommet vont-elles relever le défi du développement et soulager la misère du peuple à moyen, à long et à très court terme, comme on tente de le faire croire?
Rappelons-nous : Il y a 16 ans déjà (en 2000), il s’est tenu à Lomé un sommet de l’Union Africaine. Ce sommet, présenté comme historique, était censé, avec ses supposées retombées économiques, amorcer le développement du pays. Qu’en est-il résulté pour le pays et la masse de ses habitants ? Pour la grande masse de la population, les conditions de vie sont encore plus difficiles aujourd’hui qu’hier.
Derrière tout le matraquage publicitaire qui l’accompagne, le but réel et le seul but de cette autre grand’messe est de consacrer le régime en place depuis des décennies en cachant la grande pauvreté et la misère populaire derrière un écran de fumée.
La CDPA-BT ne peut pas s’interdire de prendre clairement position contre ce « Sommet » pour les raisons qu’on peut lire dans l’article ci-après.
Lomé, le 10 octobre 2016
La Rédaction
Un « Sommet »
Le sommet annoncé depuis quelques temps avec un tapage médiatique sans précédent vient d’ouvrir ses portes. Lomé entre en fête. Plus de 3000 étrangers y seront accueillis. L’Etat togolais en est l’initiateur et l’organisateur. L’événement est placé sous le patronage de l’Union africaine. On nous a habitués depuis des années à l’idée que ces types de rencontres internationales donnent une image de marque à notre pays et contribuent à son développement. Plus de quatre décennies après, nous continuons toujours d’y croire ou de faire semblant pour des motifs cachés.
Le Togo dispose d’un littoral de près de 50 km de long. C’est l’Etat qui a la plus faible longueur de côtes parmi les pays qui s’ouvrent sur la mer en Afrique occidentale, et parmi l’ensemble des Etats côtiers du continent. Une côte sableuse, quasiment rectiligne. Le déportement des courants marins côtiers sous l’effet du barrage d’Akossombo sur la Volta (Ghana) a déclenché une érosion marine de plus en plus intense tout au long du littoral en aval du port de Lomé.
Des habitats humains, notamment les villages de pêcheurs installés sur ce secteur de la côte se sont ainsi déplacés à plusieurs reprises vers l’intérieur des terres, à chaque fois dans des conditions difficiles. La route nationale N° 2 en direction d’Aného fut plus d’une fois engloutie et reconstruite plus loin de la côte. Des infrastructures hôtelières (Hôtel Tropicana entre autres) furent abandonnées pour de bon, portant un coup sévère à l’économie touristique.
Il y eut bien entendu des interventions pour freiner le processus dévastateur. Mais l’Etat togolais n’a jamais pu se donner les moyens financiers d’une résolution efficace et définitive du problème de l’érosion côtière.
Le coût prévisionnel du « Sommet » fut de 5,5 milliards de francs CFA. La presse vient de faire savoir qu’il est porté à 13 milliards. Et le « Sommet » commence seulement. Où en sera l’ardoise à la clôture de la manifestation ? La question n’est pas inopportune.
Car, la situation économique et financière du Togo est loin d’être au beau fixe. Si le pouvoir s’est senti obligé de doubler le coût des péages à la veille de l’ouverture du « Sommet » sous le prétexte que l’Etat a besoin d’argent pour réparer les routes, c’est sûrement (et on est en droit de le penser) parce que l’état des finances publiques suscite des préoccupations qui amènent le pouvoir à ponctionner davantage les ménages pour arriver à s’en sortir.
Les Togolais vivent-ils dans un pays où le miel et le lait coulent à flot ? Certainement oui ; mais c’est pour une infime minorité comme Faure Gnassingbe l’a reconnu lui-même. Cette minorité pompe les ressources du pays par toutes les voies possibles ; et elle le fait sans réserve et sans ménagement du fait de la nature et du mode de fonctionnement des structures et des institutions de l’Etat. Pendant ce temps, la très grande majorité se débat depuis des années dans la grande précarité, souvent dans la misère. Elle peine à s’offrir deux repas par jour.
La « vie chère », qui s’est installée depuis des années accentue sans cesse ses ravages au sein de cette majorité ; pas seulement par le canal de la montée anarchique des prix, mais par d’autres canaux souvent moins visibles, notamment tous ceux qui sont liés à la nature et au mode fonctionnement des services publiques, dans l’administration notamment.
Pour s’en rendre compte, il suffit par exemple d’additionner tous les faux frais qu’imposent aux Togolais les irrationalités et les irrégularités liées à l’établissement ou au renouvellement de la carte nationale d’identité, ou du certificat de nationalité, ou de tout autre document officiel sur le territoire. On peut donner des milliers d’autres exemples dans le même registre.
A la veille de ce « Sommet » on ne peut plus grandiose, il n’est pas excessif de dire que l’état de dégradation avancé des conditions de vie de la fraction majoritaire de la population met celle-ci dans une insécurité bien plus grave que l’insécurité maritime sur le minuscule littoral togolais. C’est, au demeurant, la raison pour laquelle ces victimes de la grande précarité ne se sentent pas concernés par toute cette rhétorique pesante dont on entoure agressivement le « Sommet ». Malgré tous les moyens financiers gaspillés pour les « mobiliser » et toute la machine publicitaire installée pour les intimider et les mystifier.
Dans le contexte de cette mondialisation à laquelle les pays du Sud sont soumis depuis des années, le problème de la sécurité et de la protection des eaux maritimes est infiniment plus complexe sur le continent africain que les simplifications abusives qu’on en donne. On y reviendra. Pour l’instant, reconnaissons qu’il est tout simplement scandaleux d’exploiter ce problème pour promouvoir l’image d’un régime politique dans un pays où l’Etat laisse à l’abandon tous les services publics et où la grande pauvreté et la misère contraignent de plus en plus la masse de la population à moins de deux repas par jour.
Même si « ce sont nos partenaires qui paient », la CDPA-BT proclame solennellement qu’elle ne cautionne pas ce « Sommet » extravagant et inutilement coûteux. Les éléphants blancs, ce ne sont pas seulement les usines clé en main comme on le disait autrefois. Les priorités sont ailleurs.
Lomé le 10 Octobre 2016.
Pour la CDPA-BT
Le premier Secrétaire