Mémorandum sur le retrait de l’UFC de la CFD Publié le 12 mars 2003

Il est plus important de lutter pour l’amélioration des conditions de la prochaine présidentielle, que de donner l’impression d’accepter un processus électoral biaisé.

Le mercredi 19 février 2003, un vice-président de la Coalition des Forces Démocratiques (CFD) a adressé au gouvernement contre l’avis de deux membres du Directoire dont celui du Président de la Coalition, et en violation de la règle du consensus, les noms de quatre représentants de la CFD pour siéger dans la CENI-RPT, au nom de l’opposition.

Cet acte d’une extrême gravité, a entraîné le retrait de l’UFC de la CFD, retrait annoncé dans un communiqué publié le mardi 25 février 2003.

La situation ainsi créée a donné lieu à toutes sortes de commentaires. Beaucoup a été écrit, surtout dans les journaux, dont certains tentent vainement d’expliquer que l’attitude de l’UFC est motivée parla tentation du boycott de l’élection présidentielle. L’auteur de l’envoi des noms au gouvernement s’est exprimé abondamment. D’autres responsables de la CFD ont également dit leur part de vérité.

Consciente de la justesse de sa position et de la place que les populations lui donnent au sein de l’opposition, l’UFC est restée sereine et digne. Soucieuse de permettre au citoyen de former une opinion éclairée afin d’être mobilisé contre la dictature, l’UFC tient à apporter les éclaircissements qui s’imposent. Notre présentation comportera trois parties. La première nous permettra de rappeler l’objectif fondamental de la CFD. La deuxième nous amènera à retracer la chronologie des événements qui ont conduit au retrait de l’UFC de la CFD. Dans la troisième partie, nous concluons en indiquant non seulement ce que la CFD aurait dû s’attacher fermement à réaliser, mais aussi, ce que l’UFC fait et doit faire, ensemble avec ses militants et sympathisants, ainsi que la très grande majorité des populations togolaises pour que la prochaine élection présidentielle soit transparente, démocratique, équitable et sans exclusion.

Première partie

L’UFC ne craint pas d’affirmer qu’elle a pris une part déterminante dans la création de la Coalition des Forces démocratiques (CFD), il y a environ six mois.

Ce regroupement des principaux partis de l’opposition paraissait à tous les fondateurs, comme un outil formidable, dans notre combat commun. Outil susceptible de décupler les efforts particuliers de chacun de ses éléments constitutifs. Car, chacun apparaissait comme luttant effectivement pour la fin de la dictature dans notre pays, et pour l’avènement de la démocratie. Il n’a donc pas été difficile de s’entendre sur l’objectif fondamental.

Cet objectif consiste à éradiquer dans notre pays, en 2003, la dictature incarnée par le chef de l’Etat et son parti, le RPT.

Pour le réaliser, il a été convenu de tout mettre en œuvre pour obtenir, entre autres :
Le respect par le chef de l’Etat des engagements qu’il a pris de ne pas réviser la Constitution et de quitter le pouvoir à la fin de son deuxième et dernier mandat, conformément aux dispositions de la Constitution togolaise.

Le retour à l’ACL et aux acquis des travaux du CPS, par l’abrogation, sans condition, des modifications unilatérales du Code Electoral consensuel et le rétablissement de la CENI. (cf Charte constitutive)

La CFD se devait, pour ce faire :

 

  • d’organiser la mobilisation populaire, par des meetings, des marches, des sit-in, etc., à Lomé comme à l’intérieur du pays et toute autre action y contribuant.

d’entreprendre toute démarche d’explications, de sensibilisation, de protestation, etc., à tous les niveaux, national et international, mettant le régime sous le feu croisé des pressions tous azimuts, permettant d’atteindre l’objectif fixé.

Au regard de cet objectif et des modes d’action ci-dessus rappelés, force est de constater que le bilan n’est pas à la hauteur des ambitions.

En dehors de deux manifestations, (marche du 9 novembre 2002, et meeting du 7 décembre 2002) force est de constater que l’essentiel des activités de la CFD, s’est concentré dans des bureaux aux sièges de ses partis membres, et a tourné autour des sujets suivants :
stratégie,
renforcement

Ces formules ou titres apparemment hermétiques demandent explications. Plus prosaïquement et dans un langage plus simple et plus clair, dès le lendemain de la modification de la Constitution, le 31 décembre 2002, plusieurs dizaines de séances ont été consacrées à discuter abondamment de la nécessité pour la CFD de décider de candidatures uniques de l’opposition démocratique lors de prochaines élections, donnant ainsi l’impression d’accepter le fait accompli du nouveau coup de force.

Toutefois, à l’actif de la CFD, on peut noter la décision de se doter d’une direction permanente en choisissant un président et quatre vice-présidents. La présidence est revenu au président de l’UFC, Gilchrist Olympio.

Après le choix de son président, la CFD mettra près d’un mois pour compléter le directoire, un des vice-présidents réclamant d’être le premier parmi ses paires (primus inter pares).

Deuxième partie : déroulement des événements, avec nos éclairages

Au moment où la CFD était bloquée sur la question de la hiérarchisation des postes de vice-président, arrive une lettre en provenance du Premier Ministre, demandant, l’envoi de noms de deux personnes pour siéger au nom de la CFD, à la CENI-RPT.

Il faut noter que lors de la réunion convoquée pour examiner la réponse à donner au Premier ministre, le vice-président dont l’exigence de hiérarchisation des postes de vice-président bloquait les travaux, déclara vouloir faire preuve de dépassement en renonçant à sa revendication. Ce « sacrifice » n’a d’autre origine que sa volonté d’envoyer les noms au gouvernement. C’est seulement à partir de ce moment qu’on doit considérer le Directoire comme effectif. A preuve, le communiqué annonçant la constitution du Directoire, est daté de ce jour, jeudi 13 février 2003

Dès le lendemain, 14 février 2003, le Vice-président, présidant les réunions, écrit au Président de la CFD, (Président de l’UFC) pour lui communiquer la lettre du Premier ministre et lui demander « sa position ». Celle-ci arrive par lettre, le dimanche 16 février 2003. La réponse précise entre autres :

« La CFD constitue à l’heure actuelle, la force politique principale de notre pays. Je ne vois pas l’impact ou l’influence qu’elle aurait sur les décisions d’une institution de 9 membres dont 7 appartiennent à la mouvance présidentielle, avec un président ayant voix prépondérante, nommé par le gouvernement.

Au demeurant, nous devons tous noter que la CENI, telle que créée aujourd’hui, n’a aucune prise réelle, ni sur la révision des listes électorales, ni sur l’organisation des élections proprement dite, ni sur le dépouillement, ferme mais courtoise. »

C’est alors que commencent les échanges et les prises de position qui vont s’étaler sur quatre jours : du dimanche 16 février au mercredi 19 février 2003.

Dimanche 16 février 2003 : réunion des Vice-présidents du Directoire avec comme point principal à l’ordre du jour, la réponse à donner au Premier Ministre. Contre la position du Président, les quatre vice-présidents sont favorables à l’envoi des noms, en assortissant cette position de la formule : « à titre conservatoire ».

Le point est renvoyé, à la réunion du præsidium de la CFD.

Lundi 17 février 2003 : réunion du Præsidium de la CFD

Le Vice-Président présidant les réunions, distribue à chaque délégation, un dossier contenant entre autres, une lettre adressée par lui au Président de la CFD dans laquelle il rend compte de la réunion des vice-présidents du Directoire, de la veille. Dans cette lettre, il indique de manière insidieuse, en introduisant la question de la candidature unique, que la tendance au sein du Directoire est d’envoyer les noms.

Le premier tour de table au sein du præsidium, sur l’envoi des noms, donne, sur les neuf membres, la situation suivante : huit pour, un contre (à savoir la délégation de l’UFC). Malgré les argumentations de chaque camp, les position restaient figées.

Le Vice-Président, présidant les réunions, ne cessait de répéter pour faire pencher la décision en faveur de l’envoi des noms, que les délégations défavorables à cette décision, garderaient toute latitude pour faire connaître publiquement leur position.

Il est à noter que le mode de décision à la CFD est le consensus. A ce titre, ces tours de table sont uniquement destinés à échanger des arguments pour tendre vers le consensus et non pour dégager une majorité.

Après de nouveaux échanges qui ne font pas varier les positions, il a été décidé de reporter la décision au lendemain afin de permettre à plusieurs délégations d’aller prendre connaissance des modifications au Code Electoral.

Mardi 18 février 2003. Réunion du præsidium : poursuite de l’ordre du jour de la veille

Un premier tour de table a lieu. Plusieurs délégations ont commencé à se montrer défavorable à l’envoi des noms. La prise de connaissance des modifications les a certainement édifiées !

Lecture est ensuite donnée de la lettre du Président de la CFD, Gilchrist Olympio, répondant au compte rendu du Vice-président, présidant les réunions. Le président de la CFD maintient sa position et l’argumente de la manière la plus précise possible :

« Je demeure convaincu, comme je l’ai exprimé dans la lettre que je vous ai adressée, le dimanche 16 février dernier, que l’envoi au Premier ministre, d’une liste de personnes devant siéger à la CENI pour le compte de la CFD, serait une erreur politique qui porterait gravement préjudice à l’opposition. Dans le contexte actuel, nous devons nous garder de tout acte ou manifestation qui pourrait être interprété, à l’intérieur comme à l’extérieur, et surtout par le régime en place, comme une acceptation des règles du jeu, telles qu’il les énonce. La CFD doit éviter à tout prix, d’adresser des signaux malheureux sur son attitude. Celle-ci doit principalement consister à combattre les actes unilatéraux du RPT ».

Poursuivant la réunion, plusieurs partis ont souhaité obtenir un éclaircissement sur le dernier paragraphe de la lettre du président, ce qui, selon eux, pourrait leur permettre de remodeler leur position. Il s’agit du passage suivant :

« Je proposerais qu’une petite commission probablement présidée par moi-même, étudie la possibilité de prendre langue avec les autorités togolaises, pour leur exprimer toutes les implications et tous les dangers de la situation actuelle, ainsi que pour formuler des propositions permettant la tenue d’élections libres, transparentes et démocratiques ».

Il est demandé au vice-président, présidant les réunions de rentrer en contact, de manière urgente, avec le Président de la CFD, à cet effet. La réunion est reportée au lendemain.

Mercredi 19 février 2003 : (11 heures)

Courte Réunion des Vice-Présidents du Directoire. Le vice-président, présidant les réunions, fait compte rendu de son échange avec le président : celui-ci maintient son opposition à l’envoi des noms.

Le Vice-Président L. Gnininvi prend position lui aussi contre l’envoi des noms au Premier Ministre, déclarant qu’il préfère préserver la cohésion de la CFD qui lui paraît plus important que l’envoi des noms au Premier Ministre.

Les autres vice-présidents maintiennent, quant à eux, leur position en faveur de l’envoi des noms.

Réunion du præsidium à partir de 11h30mn. Communication de la position du Président de la CFD, Gilchrist Olympio, au præsidium. Le président de séance indique que le passage de la lettre du Président qu’il est demandé à celui-ci d’expliquer, ne remet pas en cause sa position, et n’est pas de nature à faire varier la position des autres délégations. Cet avis est partagé par tous.

Les échanges reprennent de nouveau, sur la réponse à donner au Premier Ministre.

Au premier tour de la table, la situation se présente de la manière suivante :
cinq pour l’envoi des noms,
quatre contre, à savoir : UFC, ADDI, CDPA, UDS-Togo.

La délégation de l’UDS, après plusieurs circonvolutions, dit rechercher le consensus et se rallie aux cinq. La situation en était là. Le consensus n’est toujours pas réalisé.

Pour appuyer sa position favorable à l’envoi des noms, le responsable d’un parti, après avoir soutenu que l’opposition doit aller aux prochaines élections quelles que soient les conditions, développe une attaque en règle contre l’UFC et son président, demandant à ces derniers, de libérer l’opposition togolaise qu’ils tiennent en otage, afin de lui permettre d’aller aux élections.

La tension dans la salle a monté d’un cran. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il ne s’est trouvé personne autour de la table, pour condamner ces propos virulents, venimeux, inconvenants et irresponsables.

La délégation de l’UFC a tenu à réfuter les arguments développés. Elle a tenu à insister sur les principes de rigueur et de probité qui fondent sa position : celle-ci n’étant pas motivée par une prétendue exclusion du Président de l’UFC des prochaines élections.

Le Vice-Président présidant les réunions, procède à un nouveau décompte qui devient désormais : six pour, trois contre, savoir : UFC, ADDI, CDPA.

Il décide d’envoyer les noms au motif que conformément à sa proposition du lundi 17 février 2003, il est loisible à ceux qui sont défavorables à l’envoi des noms, d’exprimer publiquement leur désaccord.

La délégation de l’UFC fait remarquer que cette position du président de séance fait fi de la règle du consensus et que cela est lourd de danger pour l’avenir.

Sans insister, nous tenons également à relever le fait que le Vice-Président, présidant les réunions dans les tous premiers jours ayant suivi l’envoi des noms, s’est permis de faire étalage dans la presse, de prétendus échanges privés, entre lui, en tant que Vice-Président de la CFD, et le Président de l’UFC, en tant que président de la CFD. L’histoire jugera !

Troisième partie : en guise de conclusion

L’UFC tient à dire qu’en tant que cofondateur de la CFD, elle ne peut qu’être pour l’unité de l’opposition. Elle est sincère, elle l’a démontré à plusieurs reprises dans le passé. Elle reste disponible pour l’unité d’actions dans le but d’atteindre l’objectif commun.

La CFD a semblé ignorer les manifestations, meetings et marches, aussi bien à Lomé qu’à l’intérieur du pays, qui auraient permis :

de mobiliser les populations,
de leur redonner confiance dans la justesse de leur cause et dans l’inéluctabilité de la victoire finale. Et ceci en cette année 2003, etc.

L’UFC est au regret de dire que la CFD s’est préoccupée principalement sinon uniquement de candidature unique, donnant le sentiment qu’elle prend fait et cause pour les modifications scélérates introduites par le RPT et le pouvoir inique qu’il contrôle.

L’envoi des noms n’est pas un événement banal. Il est révélateur et significatif de l’attitude relevée ci-dessus. L’UFC ne pouvait continuer de subir sans réaction, cette situation dommageable pour la lutte que mènent les partis politiques dans l’intérêt du Peuple togolais.

En s’opposant à l’envoi des noms, l’UFC n’a jamais dit qu’elle ne participera pas à la prochaine élection présidentielle.

Nous sommes formels : l’UFC participera à la prochaine élection présidentielle. Voilà pourquoi, elle se bat et se battra jusqu’à la dernière minute, pour que ces élections soient libres, transparentes, équitables, démocratiques et sans exclusion.

Pour le Bureau National,
Le Premier Vice-Président,
Emmanuel Akitani-Bob