Pour une politique alternative d’opposition
Depuis plus de trente années, le courant majoritaire de l’opposition togolaise a connu une errance politique qui n’a pas permis d’empêcher la transition de la quatrième à la cinquième république au Togo. Cette longue période a mis en lumière les limites de la stratégie adoptée ainsi que l’illusion entretenue par cette démarche. En effet, cette errance s’est notamment manifestée par des divisions internes persistantes au sein de l’opposition et par une incapacité à offrir une alternative crédible face au pouvoir en place. Ces faits illustrent la difficulté et le caractère illusoire du changement longtemps espéré
Face à ce constat, il apparaît nécessaire de ramener l’opposition vers les principes fondateurs de la lutte pour la démocratie et la justice sociale. Ces principes reposent sur la mobilisation populaire, la défense des droits fondamentaux, l’exigence d’une politique alternative d’opposition, l’unité d’action ainsi que la construction d’organisations autonomes.
Dans cette perspective, l’administration de la CDPA-BT publie un document structuré en cinq points, issu des travaux de son Conseil National tenu en 2002. Ce document a pour objectif de rappeler à l’opposition l’importance des orientations stratégiques adoptées lors de ce conseil et de proposer un cadre de référence, le MFAO, afin de renforcer la cohésion et l’efficacité de l’action commune face aux défis actuels.
Enfin, la CDPA-BT invite ses militants ainsi que l’ensemble des démocrates de l’opposition à s’approprier pleinement ce cadre de référence.
Fait le 18.10.2025
Conseil National II: Texte d’orientation des débats
Avec l’an 2001, la lutte enfin ouvertement engagée par le peuple togolais le cinq octobre 1990 contre le régime de dictature néocoloniale institutionnalisée depuis 1967, entre dans sa onzième année. Son objectif affirmé dès le départ est le changement démocratique, c’est-à-dire la fin du régime de dictature sous la pression organisée des masses populaires, et l’instauration d’un système politique démocratique, capable de réduire la misère du peuple et de déclencher le progrès économique et social du pays. Mais au fil des ans, l’opposition n’a pas cessé de s’essouffler ; et la lutte a toujours du mal à atteindre l’objectif souhaité.
La lutte est conduite par des partis politiques d’opposition. D’environ une soixantaine en 1993, ils sont moins d’une dizaine aujourd’hui(1). Devant la détermination du régime despotique de se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire, la tendance dominante des leaders oppositionnels qui occupent les devants de la scène politique s’écarte de plus en plus de l’objectif initial, et oriente sans cesse le combat vers une « cohabitation » avec le régime de dictature. Les prochaines élections législatives anticipées apparaissent ainsi comme devant conduire à ce système cohabitationniste.
Cette « cohabitation » en vue avec le régime de dictature n’est pas la fin du régime de dictature. Elle ne laisse aucune perspective pour l’instauration et l’enracinement d’une démocratie réelle dans le pays. Sans doute aurons-nous des députés de l’opposition comme en 1994-1998, puisque nous en élirons aux prochaines élections législatives anticipées. Et nous aurons une assemblée plurielle à la place de l’Assemblée-RPT actuelle. Peut-être même aurons-nous un Premier ministre de l’opposition (Qui ? Et pour combien de temps ?). Mais la réalité du pouvoir continuera d’être confisquée par l’ancien régime et ses tenants ; la population continuera de subir les tracasseries et les humiliations qui l’avaient finalement poussée dans la rue le 5 octobre ; et malgré l’espoir tant entretenu, la reprise de la coopération de l’UE ne sortira guère la population de la misère dans laquelle elle s’abîme sans cesse.
Le problème politique fondamental à l’origine de l’insurrection populaire d’octobre 1990 demeure donc entier. Les changements politiques et sociaux exigés par l’instauration et l’enracinement des libertés démocratiques indispensables au progrès ne sont pas possibles, tant que l’ancien régime de dictature continuera de confisquer la réalité du pouvoir de décision.
Il se trouve que dans l’état d’inorganisation qui caractérise si bien ce qu’on appelle abusivement « la société civile », la seule forme d’organisation capable de prendre en charge les problèmes de la société est le parti politique. Et dans le cas présent de la faillite totale d’un régime Eyadema usé par près de quarante ans d’errements et d’oppression autocratique, le parti d’opposition est la seule forme d’organisation capable de déclencher les changements politiques et sociaux exigés pour la transition démocratique.
Ces idées soulèvent des interrogations qui doivent faire l’objet d’un examen attentif au cours de ce Conseil :
1- Pourquoi la tendance dominante de l’opposition s’écarte-t-elle sans cesse des aspirations formulées par les Togolais en 1990 et avant, et s’oriente de plus en plus vers la cohabitation avec un régime désavoué par le peuple ? Les Togolais ont-ils abandonné ces aspirations ? Celles-ci sont-elles dépassées ? Le peuple préfère-il aujourd’hui la « cohabitation » à la lutte pour la démocratisation ?
2- Comment définir une politique d’opposition cohérente et efficace, et la conduire à l’abri des tentations de court terme ? Faut-il chercher à être député, même si l’on est convaincu que cela ne servira pas la lutte engagée par le peuple pour se soustraire de l’oppression ? Et faut-il se porter candidat à la députation et contribuer à faire croire que «la démocratie est en marche dans le pays», alors qu’en fait le régime despotique continue de bloquer toutes les issues possibles vers l’instauration des libertés démocratiques ?
3- La politique d’opposition définie au congrès constitutif du parti est-elle dépassée ? Faut-il la changer ? Par quelle autre politique, qui ne soit pas en contradiction avec ce que veut la masse des Togolais ?
4- Comment faire émerger un parti de masse qui soit en même temps un parti à l’avant-garde de la lutte pour la démocratisation ?
Ces questions interpellent tous ceux qui se préoccupent de l’avenir du pays, aussi bien l’avenir immédiat (demain), que l’avenir lointain ?
Lomé, le 1e Février 2001
Pour la CDPA-BT
Le Bureau Exécutif