Le 13 avril 2019 Une confrontation entre les « Abrafo » et le PNP dans le Kloto ?

Une information pour le moins curieuse est apparue dans la presse ce 8 avril 2019. Elle est relative aux manifestations prévues par le PNP le 13 avril 2019.

Selon le Préfet de Kloto, les chefs traditionnels de sa préfecture refusent aux militants du PNP de faire leur marche dans la ville de Kpalime. Autrement dit, à en croire ce Préfet, les chefs traditionnels de sa circonscription interdisent la manifestation du PNP dans leur préfecture. Et en plus, ils menacent de mobiliser les “Abrafo” aux trousses des militants de ce parti d’opposition qui oseront braver l’interdiction.

A la CDPA-BT, on n’est pas surpris par cette information. Elle montre bien ce que le régime a fini par faire du pays et de ses dirigeants. Tout le monde sait que le régime dispose d’une redoutable capacité de manipulation de l’opinion. Tous les moyens sont bons quand il sent le besoin de manipuler pour atteindre son but.

Des porte-paroles du régime avaient proclamé qu’il n’y aura plus jamais un 19 août dans le pays. Est-ce le gouvernement togolais qui interdit au PNP de faire ses manifestations à Kpalime ? Bien sûr que non, répondront les tenants du régime ! Ce sont les populations qui ne veulent plus voir des gens venir casser chez eux. Et le tour est joué !

Mais comme on nous dit que ce sont les chefs traditionnels de Kloto qui ont décidé d’interdire la manifestation du PNP dans la ville de Kpalimé, et qui menacent d’en découdre avec ceux qui tenteront d’outrepasser l’interdiction, on ne peut qu’en prendre acte, en attendant d’y voir plus clair.

Ceci étant, la CDPA-BT estime qu’au-delà de ces considérations, la position des chefs de Kloto pose un problème de fond, celui du corps des chefs traditionnels dans la société togolaise. On a coutume de dire qu’ils sont les garants des “us et coutumes”. Mais jusqu’où s’étend leur domaine de compétence dans la gestion de la cité ?

Dans cette situation de transition chaotique où se débat le pays depuis des décennies, la question concerne d’ailleurs tous les corps de la société. Pour cette raison, le problème des “réformes” tel qu’on en parle depuis si longtemps, ne concerne pas seulement le code électoral, le scrutin à deux tours ou la limitation du mandat présidentiel. Il concerne également toutes les institutions politiques en vigueur et l’ensemble des rapports Etat-Société tels qu’ils sont formatés par le régime depuis plus de cinquante ans maintenant.

Voilà pourquoi notre problème de démocratie est un vaste champ de reconstruction, contrairement à ce que l’on pense si communément. Seul un changement démocratique profond peut mettre le pays sur la voie du progrès, en particulier le progrès des conditions de vie de la grande masse de la population. La lutte d’opposition est plus complexe et plus difficile qu’on ne croit.

Au sujet de cette position aberrante et en réalité réactionnaire des chefs traditionnels de Kloto vis-à-vis de la manifestation prévue par le PNP, la CDPA-BT tient à souligner trois faits.

  1. Le droit de manifester est un droit constitutionnel. Il est inscrit dans l’article 30, (titre II) de la Constitution de 1992. Le remaniement arbitraire de cette constitution n’a pas radié le passage relatif aux manifestations dans cet article 30. En tant que disposition constitutionnelle, le droit de manifestation est inaliénable et imprescriptible.

Le Préfet de Kloto est sensé connaître ces dispositions constitutionnelles. Il aurait pu expliquer à ses chefs traditionnels que leur décision d’interdire la manifestation du PNP à Kpalime est illégale, parce qu’anticonstitutionnelle. Au lieu de faire autour de cette décision sans fondement une regrettable publicité.

  1. La menace proférée par les chefs de lancer les “Abrafo” aux trousses des marcheurs du PNP est parfaitement ridicule. Elle est d’autant plus ridicule que les dits “Abrafo” n’ont aucune existence légale. Dans le système politique qui régente le pays depuis des décennies, tout le monde sait que les “Abrafo” relèvent du domaine du folklore.

Mais surtout, la menace est dangereuse, même si l’objectif est seulement d’intimider. Le pays est déjà malade. Qu’on imagine seulement ce qu’il deviendra si, pour plaire au régime en place, les chefs traditionnels de chacune des 39 préfectures se mettent à prendre la décision d’interdire telle ou telle manifestation de l’opposition sur leur territoire préfectoral !

Dans tous les cas, dans les traditions Ewe, les “Abrafo” ne sont pas les “groupes d’autodéfense” ou des milices formatées ou des “éléments incontrôlés” que l’on se permet de lancer aux trousses d’autres citoyens pour semer des troubles dans les manifestations de l’opposition.

  1. La loi relative aux manifestations ne stipule pas que celles-ci sont soumises à autorisation du pouvoir public. Les citoyens qui se proposent de faire une manifestation pour une raison ou une autre sont seulement tenus d’informer l’autorité publique concernée pour lui permettre de prendre les dispositions nécessaires au bon déroulement de la manifestation.

L’interdiction de manifester et toutes les tracasseries et intimidations si souvent mises en jeu pour décourager la tenue des manifestations dans le pays sont anticonstitutionnelles, et par conséquent illégales.

Fait à Lomé le 12 avril 2019

Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
E. GU-KONU

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