Le « Sommet » du siècle et la masse du peuple

RETOUR AUX ANCIENNES PRATIQUES DU REGIME EYADEMA !

Sommes-nous entrain de revivre les pratiques politiques du régime Eyadema ?

L’article ci-dessous intitulé  Le «Sommet» du siècle et la masse du peuple est parvenu à la Rédaction du site de la CDPA-BT ce 8 octobre 2016. Nous nous faisons le devoir de le publier pour permettre à l’opinion d’avoir un éventail le plus large possible des réactions au sujet de ce « Sommet ».

Les opinions émises dans ce document n’engagent que son auteur. Elles ne constituent en aucune manière une position officielle de la CDPA-BT.

La Rédaction

Le « Sommet » du siècle et la masse du peuple

Le «Sommet» va s’ouvrir dans 48 heures. Elle se tient du 10 au 15 octobre. Lomé va être en fête comme on n’en a plus jamais vu depuis des années. La rentrée scolaire programmée pour 26 septembre est reportée au 17 octobre. Rien ne doit venir perturber la grand’messe. Le Togo renoue avec un passé que beaucoup ont cru révolu.

Une publicité monstre a envahi tout le pays depuis plusieurs mois déjà. Ce que nous autres, le commun du peuple, en avons retenu est que l’argent va couler à flot tout au long des 5 jours où le «Sommet» va occuper le pays. Et sans doute après. Chacun des 3000 invités étrangers en apportera à gogo. Les hôtels de haut standing, les restaurants chics, les taxis, les woleyia (les taxis motos)… Tout ce monde va en ramasser à foison.

On va même, semble-t-il, nous apporter un grand bateau-hôtel de luxe, qu’on nous placera sur notre grand océan ; car, on estime que nos hôtels de luxe ne sont pas encore suffisamment luxueux pour les invités de marque qui nous apporteront de l’argent à gogo. Nous devons en être reconnaissants et remercier Dieu le Père. Chaque Togolais, y compris bien entendu le paysan de Mandouri, de Yotokope et d’ailleurs sur le territoire doit se plier en quatre pour recevoir nos illustres hôtes comme il se doit. Ce sommet du siècle, c’est en plus pour le développement. Et le développement, c’est pour tous (dit-on).

On a peut-être pensé à l’animation pour mettre nos hôtes en joie comme dans les grandes occasions d’autrefois. Dans ce cas, nous chanterons et nous danserons dans la salle de conférence. « Eyadema oye ! Oye !!! Agbé woèzu alafia!!!» Dommage que nos animateurs distingués d’autrefois ne sont plus de ce monde. Mais nous avons sûrement des ressources. Il suffira de les activer.

L’événement est historique on vous dit ! Bien plus historique que les Lomé 1 ou autres grand’messes du passé. Il mérite donc de la part de nos journalistes locaux un langage spécial. Pas question de raconter n’importe quoi, ou d’écrire n’importe quoi sur le «Sommet». On a donc réuni ces hommes de presse en séminaire pour leur apprendre le langage approprié pour la circonstance. C’est sérieux ! Gare aux brebis égarées. De toute façon, pas de souci. A l’exception peut-être de deux ou trois galeux incorrigibles, le reste du troupeau des journalistes est déjà acquis à la grande cause. Ils se sont mis à chanter « l’économie bleue » depuis des mois déjà, et à faire joyeusement « la promotion » du « Sommet » dans un concert de louanges remarqué. C’est dans le sang on vous dit !

Mais dans l’ensemble de la presse nationale, certains des «louangeurs» font tout de même grise mine. Pas qu’ils estiment que le «Sommet» n’apportera rien au Togolais d’en-bas. Mais parce la presse étrangère aurait eu la part du lion du budget consacré à la publicité pour la «promotion» du «Sommet». Le journaliste local n’a eu droit qu’à la portion congrue : 250.000 francs semble-t-il pour la page noircie ! On grince les dents dans le microcosme : où est donc le sens du patriotisme de ceux d’en-haut ? Mais on a pris quand même les 250.000 francs. On est spécial au Togo, vous le savez bien. C’est pour cela qu’on est si bien dans le pays ! La «vie chère» ? Ça fait des miracles !

Le budget global prévu pour le «Sommet» s’élevait au départ à 5 milliards et des poussières. Et puis, au cours de la route, des journalistes se sont mis à parler de 13 milliards. Où sont-ils bien allés dégotter ce chiffre ?

Prise de tournis devant ces chiffres vertigineux, une femme s’est mise à demander où le Togo va bien trouver tout cet argent à verser dans un «Sommet» par les temps qui courent ? Et un illustre opposant de lui répondre : «le Togo ne sortira pas un seul sous ; l’Union Africaine, l’Union européenne, les Etats-Unis et la Banque mondiale… paieront tout». Comme ce grand opposant de la dernière heure qui soutient bruyamment le «Sommet», est le plus grand connaisseur au Togo, la femme est partie, un peu dubitative tout de même. Ces opposants togolais !

En admettant même que le «Sommet» du siècle ne sera gourmand qu’à concurrence de 5 milliards, le pouvoir togolais semble n’avoir pas 900 millions pour doter le pays d’un seul scanner (pour 6 millions d’habitants). Et il vient de doubler le coût des péages sous prétexte qu’il a besoin d’argent pour entretenir les routes. Il est de notoriété publique qu’aujourd’hui un grand nombre de Togolais parvient difficilement à s’offrir trois repas par jour, dans le milieu rural comme dans les villes.

Le discours sur « l’économie bleue » et autres « protection de nos Océans » est simplement mystificateur. Si une infime minorité tirera ou tire déjà profit du grand «Sommet», la grande majorité de la population n’a rien à y attendre, sauf l’accentuation de la dégradation de ses conditions de vie. Vraiment rien d’autre.

S. Sylvain.