(24 décembre 2003)
Aux élections présidentielles de juin 2003, la majorité de la population avait voté malgré tout pour le candidat de l’UFC, et non pas pour le candidat du RPT. Le fait était incontestable même s’il n’existe pas de chiffres fiables pour le prouver. La CENI montée par le régime n’en avait pas moins proclamé vainqueur le candidat du RPT. Le régime de dictature avait ainsi réédité ce qu’il avait fait en juin 1998. Mais en prenant cette fois-ci les dispositions nécessaires pour que cet autre coup de force électoral apparaisse moins brutal et moins grossier, afin de ne plus mettre les soutiens étrangers de la dictature togolaise dans l’embarras.
Ce résultat frauduleux était prévisible. On s’y attendait avant même le début de la campagne électorale. La modification arbitraire du code électoral en décembre 2002 et de la constitution en janvier 2003 l’avaient clairement annoncé. La participation de l’opposition au scrutin était donc tout à fait inutile et dangereux, sauf bien entendu si l’objectif des partis d’opposition ayant tenu à participer à la mascarade était juste de se mesurer entre eux pour montrer à l’opinion lequel des leaders de l’opposition est « le plus grand ».
Or, le problème des Togolais n’est pas de savoir quel parti est le plus important parmi les partis d’opposition, et quel leader de l’opposition est le plus grand. La préoccupation première de la population depuis 1990 était et reste comment arriver à mettre un terme à un régime de dictature de plus de quarante ans.
Les élections présidentielles de juin 2003 apportent, une fois de plus, des leçons essentielles. Il faut bien en tirer encore deux parmi elles, au risque de donner le sentiment de radoter.
1- On peut opérer une alternance au pouvoir par des élections dans un régime tant soit peu démocratique. Mais on ne peut pas se débarrasser d’un régime de dictature par des élections, organisées et contrôlées en plus par le régime lui-même.
2- Le plus grand et le plus historique des leaders opposants au régime Eyadema ne peut rien faire à lui tout seul aujourd’hui pour mettre fin à ce régime. Il ne peut faire quelque chose que s’il prend appui sur une force organisée, capable d’exercer un minimum de pression sur le pouvoir en place pour le faire céder.
Ces deux leçons invitent les Togolais à se donner une autre politique d’opposition, s’ils veulent se débarrasser de la dictature dans le pays. Cette autre politique ne doit plus avoir pour objectif la conquête du pouvoir à travers la concurrence entre leaders de partis d’opposition. Elle doit se donner pour tâche première une nouvelle organisation de la masse de la population, afin de la mettre en mesure de jouer un rôle plus actif et plus conséquent dans la lutte contre le régime de dictature.
Cette position conduit à deux faits importants. En premier lieu, les leaders de l’opposition doivent s’abstenir d’utiliser leurs énergies et leurs moyens matériels pour montrer chacun qu’il est le premier, et que le pouvoir doit lui revenir de droit par conséquent. Ils doivent s’abstenir de le faire au moins pour deux raisons : d’abord tant que le régime sera en place et que le rapport des forces opposition/pouvoir despotique sera ce qu’il est aujourd’hui, le premier des premiers n’a aucune chance d’accéder au pouvoir quel que soit son charisme. Ensuite la tendance à démontrer à tout prix qu’on est le premier et que les autres doivent donc se taire accentue la division de l’opposition, et empêche les partis d’opposition de se donner une plateforme minimale pour agir ensemble en vue de mettre fin au régime de dictature.
En second lieu, il est impératif de construire cette force capable, par sa masse, par son orientation et par son organisation, de faire pression sur le régime aux moments décisifs de la lutte pour la fin du régime. Une force alternative d’opposition ? Les Togolais doivent se résoudre à changer de politique d’opposition s’ils veulent en finir avec le régime de dictature dans le pays.
Fait à Lomé, le 24 décembre 2003
Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
Le Prof. Emmanuel Gu Konu